Jour 1 : Début du reste de ma Vie...
La sage femme revient chercher mon gynéco.
Tout se passe en quelques minutes mais le temps s'étire, ça paraît si long.
On se retrouve tous les deux, mon homme et moi, dans un silence pesant qui me fige.
On reste dans ce silence, interloqués, en nous demandant ce qui arrive. On entend des cris, de la panique de l’autre côté de la porte. Je répète : « pourquoi il ne crie pas ? Pourquoi il ne crie pas ? » et mes jambes se mettent à trembler. On a peur qu’il se passe quelque chose, mais, à ce moment-là, on est loin d’imaginer que ces instants vont changer notre vie à tout jamais.
Mon gyneco et la sage femme reviennent, ils ont les larmes aux yeux.
Ils me prennent la main, je n'arrive pas à me connecter à ce monde, à cette réalité, je n'arrive pas vraiment à entendre et comprendre ce qu'ils me disent.
Apparemment, il y a 3 problèmes visibles, outre sa lourde réanimation, il a des malformations aux mains et aux pieds, il respire mal et il a des spasmes qui ont l'air de le faire beaucoup souffrir.
Les informations ont beaucoup de mal à rentrer dans ma tête, elles se bousculent, je veux juste le voir mais je suis clouée au lit. Je pense être dans un cauchemar, je n’entends plus vraiment ce qu’on me raconte et la pièce tourne autour de moi. Je regarde mon homme, si heureux il y a quelques minutes, il est désemparé, sous le choc. Je lui dis d’aller voir Lenny et de me montrer une photo : « Je veux voir ce qu’il a! ». Je dis à mon gynécologue d’aller chercher ma mère, j’ai tant besoin de ma maman à cet instant, ma maman pour me dire ce qu’il faut faire, ce qu’il va se passer. Je suis là, seule dans cette pièce que je ne supporte déjà plus, impuissante, et une question tourne dans ma tête « Qu’est ce que j’ai mal fait ? ».
Je n'arrive pas à parler, ni à réfléchir. Comment mon monde peut s'écrouler en quelques minutes. J'avais imaginé vivre le bonheur de ma vie et à cet instant je sais ce qu'est vivre un cauchemar. Je vais certainement me réveiller...
Tout le monde est très honnête, ils n'ont aucune idée de ce qu'a Lenny et il va devoir être transféré dans un autre hôpital en réanimation spécialisée.
Je n'ai toujours pas vu mon fils, j'imagine en quelques minutes un monstre à cause du mot "malformations", ça me terrorise.
Ma mère entre dans la pièce et je fonds en larmes. Je sais que je vais pouvoir me reposer sur elle, je relâche enfin la pression et mes émotions.
Je lui demande avant toute chose de le prendre en photo car je ne sais même pas à quoi ressemble mon bébé.
Elle va le voir avec mon homme dans la pièce d'à côté.
Moi, je reste là, pétrifiée, scotchée, souffle coupé... Mais qu'est-il en train de se passer?
Ca ne peut pas être réel, je vais vraiment finir par me réveiller.
Malheureusement, non c'est la réalité, ma nouvelle réalité.
Quand ma mère revient enfin avec une photo, je pleure d'amour pour lui, je le trouve tellement beau.
Mon homme, lui, s'effondre encore, il tombe sur moi. J'ai mal de le voir comme ça, il est brisé et moi, ça me brise le coeur. Je le serre fort contre moi, on s'aime tellement, ça nous aidera à avancer dans cette épreuve j'en suis sûre...
La sage femme transporte mon lit jusqu'à Lenny, je le touche à peine du bout des doigts. Moi, clouée dans ce lit, et lui, dans sa bulle.
Cette situation est tellement frustrante, c’est mon bébé je l’ai fabriqué, il est resté 8 mois en moi et je ne peux même pas le prendre dans mes bras, le rassurer.
Je voudrais lui dire que ça va aller, que papa et maman seront toujours là, après tout il ne connaît que nous deux sur cette planète, nos voix, mon odeur.
Je l'aime infiniment, je le sens, ça me transcende. Comment ai-je pu vivre avant lui?
Tout le monde me parle, me touche, mais moi, je me sens ailleurs.
Ces instants paraissent flotter, je ne comprends pas très bien ce qu’il m’arrive.
En réalité, mon esprit est vide.
Lenny est transféré et c'est le déchirement de le voir partir dans ce couloir avec des inconnus sans nous. Je lui fais à peine un baiser et une caresse qu’il est déjà dans leur boîte en plastique transparente. Mon coeur se brise un peu plus. Je sens physiquement cette douleur dans ma poitrine.
Je me sens coupable, c’est la première fois qu’on me donne autant de responsabilités, fabriquer un être humain, m’en occuper pendant des mois correctement et le mettre au monde dans les meilleures conditions, mais j’ai échoué. Ca paraissait si facile, toutes les femmes le font et ça se passe bien. Mais pas pour moi. C’est la première fois que je donne la vie, et j’ai échoué, j’ai l’impression de lui avoir donné cette maladie.
On me monte en chambre, sans mon bébé. Je me sens vide, sans vie, comme un zombie.
C'est le silence total autour de moi, mais aussi en moi. Personne ne sait quoi me dire, on me caresse la tête, on me prend la main.
Dans ma chambre, ma famille et une de mes meilleures amies attendent... Je les aime tellement. On aurait pas supporté rester seuls à attendre que le temps passe.
Mon père répète en boucle que ca va aller en faisant les 100 pas.
Le téléphone sonne, mon homme peut enfin aller auprès de Lenny. J'avais hâte qu'il entende et sente son papa, que ça le rassure...
Moi, j'ai la rage, la colère que ça tombe sur nous, mais la rage de vite me lever pour sortir et le rejoindre. Je ne supporte pas cette séparation brutale, je me sens tellement vide.
Quand mon homme revient, on regarde les quelques photos qu'il a prises en boucle et je lui fais répéter 100 fois ce qu'on lui a dit. Voir notre fils si petit et fragile avec son petit masque sur le nez et tous ces fils branchés, tout ça me fait un peu peur, mais, il est vivant c’est le principal pour l’instant.
On se demande pourquoi nous, qu’est ce qu’on a bien pu faire pour que la vie nous fasse ça, est ce que c’est le prix à payer pour avoir trouver l’Amour de sa vie ?
En décidant d'avoir un enfant, on avait compris qu'on embarquait pour une nouvelle aventure, mais on était loin d'imaginer ce que la vie avait décidé pour nous.
Je suis née en même temps que mon fils le 22 janvier 2013, une nouvelle moi, une maman, une guerrière.
Je me demande ce qu'était la vie avant toi.