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Photo du rédacteurMarion C.

Ces Choses qui sont difficiles

Dernière mise à jour : 26 juil. 2018




Après plusieurs semaines à réfléchir sur ce sujet, je me suis décidée à écrire.

C'est pas toujours facile d'écrire ce qui fait mal je trouve. Je préfère prendre mon temps.


Je voulais parler de TOUT ce qui est difficile pour moi, et certainement pour nous tous, parents endeuillés, ce qui nous fait souffrir en silence.


Je suis souvent, même après des années, confrontée à des moments difficiles voir insupportables.

Je suis pourtant très positive, souriante, joyeuse, forte peut être, même si je n'aime pas cette manière de voir les choses. Mais parfois c'est trop. Plus que ce que mon bouclier magique ne peut supporter. Et, la plupart du temps, il n'y a pas vraiment de raison palpable à mon mal être. C'est une boule qui se forme dans ma gorge et qui attend ce petit rien pour exploser.


Par exemple, je peux être littéralement tétanisée quand je passe sur la promenade des anglais à Nice, car c'est la route qu'on prenait pour aller à l'hôpital. L'année dernière, j'ai dû y retourner pour une conférence dans laquelle j'intervenais, j'ai fait des détours pour prendre une route différente, parce que l'idée de refaire ce chemin seule me rendait malade, presque à en vomir. Quand je suis arrivée la bas, je me suis garée au même endroit, j'ai attendu dans ma voiture de longues minutes, seule, paralysée, de me sentir prête. Je suis rentrée dans l'hôpital, je ne sentais plus mes jambes, je me sentais tellement mal, je suis restée plantée devant l'ascenseur sans pouvoir appuyer sur le bouton.

Après mon intervention à la conférence, je me suis sentie si fière de moi. Ca peut paraitre ridicule ou sans importance pour certains, mais pour moi c'est une montagne que j'avais franchi seule.


J'ai le même sentiment quand je passe devant l'Athanée, le reposoir (ou plutôt la morgue...), le quartier où j'habitais enceinte, la crèche où il était inscrit, la maternité...

J'ai immédiatement des images, des souvenirs qui reviennent et c'est incontrôlable.

Je voudrais bien expliquer à tous ces gens qui pensent qu'on s'auto alimente, qu'on devrait oublier, tourner la page... qu'en fait c'est impossible, à moins que vous ayez une solution qui empêche notre cerveau de penser et de se souvenir, on ne contrôle pas. On ne fait pas exprès de penser à notre enfant qui est mort et aux moments douloureux. On est dans un degré de souffrance pratiquement impossible à saisir si on ne l’a pas personnellement vécu.

Depuis que Lenny est mort, ça ne m'est jamais arrivé, pas un seul jour depuis plus de 5 ans, de ne pas penser à lui et au moment où il est mort dans mes bras.


Les dates aussi sont compliquées, sa naissance, sa mort, son enterrement, la fête des mères, des pères, Noël, les moments en famille... Ces années qui passent me tuent.

On fera toujours ses anniversaires et on imaginera sans arrêt sa vie s'il était encore là. Si je ne le fais pas, je suis encore plus mal.

Et tout ça n'est pas plus facile à vivre avec le temps. J'aimerai vraiment oublier ne serait-ce qu'un peu ou moins souffrir, mais non. Ca accumule des choses qu'on ne vivra pas avec lui, qu'il ne fera pas, une vie fantôme. Cette prise de conscience profonde de ce qu'on a vécu et de ce qui nous manquera toute notre vie creuse le trou dans nos coeurs.


Il y a aussi la gêne des gens quand j'en parle, ils sont mal à l'aise à ma place.

Moi, au contraire, parler de lui ne me dérange pas.

Quand je parle de lui, n'ayez pas peur, me souvenir ne me fait pas plus souffrir. Si vous n’avez jamais rencontré mon fils, n’ayez pas peur de poser des questions sur lui. J'aime beaucoup parler de lui, ça réchauffe mon coeur même si parfois les larmes montent. Il faut comprendre que la grande histoire d'amour que je vis avec Lenny est associée au même degré de souffrance. C'est indissociable.

Souvent, on me dit rien que d'imaginer mon enfant mourir c'est trop même impossible, j'en mourrai. Et bien, imaginez à quel point c'est difficile d'aimer autant, sans limite et souffrir autant, sans limite non plus.


Dans la vie quotidienne, je suis confrontée à des enfants de son âge à l'école, alors je me dis "oh il serait comme ça". Encore pire si ces enfants s'appellent Lenny, je peux vraiment perdre tous mes moyens.

Je pense aussi souvent à mon entourage, ceux qui ont leur premier enfant avec eux. Ce n'est pas de la jalousie bien au contraire, je ne souhaite ça à personne, mais, parfois j'ai mal de me demander pourquoi moi je n'ai pas leur chance. Leur premier enfant est là pour son premier anniversaire, leur premier enfant marche, leur premier enfant dit papa et maman, leur premier enfant va à l'école... Et avoir Victoire n'apaisera jamais ce sentiment car elle sera toujours la deuxième.


Je voudrai juste que le monde se rappelle de mon enfant, peu importe l'âge auquel il est mort.

Si vous voyez quelque chose qui vous rappelle Lenny, dites-le moi.

Si vous vous rappelez le jour de son anniversaire ou de sa mort, s’il vous plaît dites-le moi.


Personne ne pourra jamais nous réparer. On est brisés pour toujours. On recolle difficilement et lentement les morceaux, et on avance, mais nous ne serons plus jamais les mêmes.

J'ai appris avec le temps et beaucoup d'aide que c'est une épreuve solitaire, la clé est en nous. Quand on la trouve, on se sent moins en colère, plus apaisée, on voit un chemin petit à petit se tracer, mais il reste trouble et on peut souvent avoir l'impression de se perdre.

Il faut comprendre et accepter que le temps ne guérit pas ces blessures là et que le quotidien nous ramènera très souvent à cette épreuve.

Le bonheur pour mon mari et moi est une lutte quotidienne, un combat permanent.

C'est difficile je trouve, de trouver un équilibre entre la souffrance et la culpabilité de survivre à son enfant, et le désir de vivre intensément pour lui.


J'essaye sans cesse de faire passer ce message. Vivez. Arrêtez de trop réfléchir ou prévoir. On ne sait absolument pas ce qu'il se passera demain, nous n'avons aucune certitude.

Entourez-vous des gens qui vous font du bien, qui vous font rire. Aimez, buvez, dansez, chantez, profitez, parce qu'à force d'attendre, finalement il ne se passera rien...

Si vous avez traversé cette épreuve avec un de vos proches, dîtes vous que c'est une bonne occasion pour vous de changer votre manière de vivre.


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