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Dommages collatéraux/ 1 : Le cocon

Dernière mise à jour : 23 avr. 2018



Un dommage collatéral c'est une répercussion suite à un évènement plutôt traumatisant.

Je veux parler ici de tout ce qui a été et est encore touché par la mort de Lenny.

Le travail, l'entourage familial ou amical, les enfants qui restent, le sens et le goût de la vie d'après en général. En fait, tout a changé depuis qu'il n'est plus là.

Après la mort de Lenny, nous n'avons jamais su retourner habiter dans notre appartement. Ce matin-là, on avait claqué la porte tous les deux en étant sûrs de revenir à trois... On a donc "squatté" chez mes parents quelques mois, à l'abri de tout, de la vie réelle et des soucis, couvés par mes parents. On restait des heures allongés dans le lit de ma chambre d'ado inertes, comme morts. Ma mère nous nourrissait presque à la petite cuillère, nous disait quand nous laver, quand boire, quand vivre et respirer. Ils ont tout donné pour notre survie, on ne leur sera jamais assez reconnaissant car ils ont tellement souffert avec nous. Moi, je ne le voyais pas à ce moment-là, je ne voyais rien, je ne ressentais rien. J'attendais patiemment que le chagrin me tue.

Un jour, on avait même décidé de s'en aller tous les deux, comprenez mettre fin à nos jours, pour se sentir soulagés, ne plus souffrir au point de ne plus pouvoir respirer. On ne voulait plus être des légumes, des morts-vivants. Mais, l'Amour de ma mère m'a fait prendre conscience que je ne pouvais pas lui faire subir ce que je vivais. Elle n'en survivrait pas et ça aurait détruit aussi ma soeur, mon père, ma famille. Alors, on s'est accrochés à la vie. C'était tellement difficile. J'avais l'impression de faire une nage à contre courant. Petit à petit, on sort quelques fois la tête de l'eau.

On devait avoir un nouvel appartement après la naissance de Lenny, un 3 pièces pour qu'il ait sa chambre. Mais après sa mort, l'attribution nous a été retirée car nous n'en avions plus "besoin". La plupart des gens auraient crié au scandale mais moi je n'aurais pas supporté d'avoir une chambre vide, la chambre de Lenny qui attendrait de recevoir un autre bébé. L'idée m'était insupportable. Moi, je voulais juste déménager, pour écrire une nouvelle page car j'étais incapable de refranchir la porte de mon appartement sans flancher, avoir les jambes qui tremblent, le coeur qui se serre.

Alors, comme pour s'excuser de nous retirer cet appartement, ils nous ont attribué un nouveau 2 pièces formidable, tout neuf. Alors ok on avait plus d'enfant mais on avait un super appartement, il fallait s'en contenter.

On a dû se faire violence pour faire des cartons et surtout emballer les affaires de Lenny. On le faisait tous les deux quand on se sentait le courage, petit à petit.

Quand on a quitté la maison de mes parents on s'est sentis tellement seuls. Assis dans notre canapé, main dans la main, on se sentait tellement bêtes et seuls. On ne voyait aucun avenir, pour nous, le matériel n'avait et n'a plus aucune importance, tout ce qu'il nous restait c'était l'amour qu'on se portait l'un l'autre, qui grandissait et se renforçait dans cette épreuve de deuil.

Aujourd'hui, on vit dans un autre appartement, un enfant, un cocon différent. Chacun le sien pour écrire à chaque fois une nouvelle page.

Notre vrai cocon reste la maison de mes parents, cet endroit où l'on se sent si bien, en sécurité, qui a tout vu et tout connu de nous. On l'appelle la maison du bonheur parce que c'est là que règne l'esprit de famille en intégrant Lenny, notre grand malheur. Ce qui transpire la-bas c'est l'Amour, le vrai, le grand celui qui fait du bien. Quand je suis dans des moments plus compliqués, que je me sens fragile, triste, je m'y réfugie, je vais passer un peu de temps avec eux et ça me ressource.

Peut être que pour certains le fait de ne plus retourner habiter dans notre appartement était "un caprice" ou "qu'on aurait pu se faire violence" mais pour nous c'était tout simplement au dessus de nos forces.

Je sais maintenant, que le cocon ce n'est pas matériel, physique, c'est l'endroit où l'on est en famille et où l'on se sent bien.


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